Système de financement de la santé au Togo
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Le document dont est issu ce texte est un état des lieux du système de financement de la santé au Togo, un travail inscrit dans le processus d’élaboration d’une stratégie cohérente du financement vers la couverture universelle en santé (SNFS-CSU) dans lequel le pays s’est engagé afin d’assurer l’accès universel de tous à des soins de qualité sans encourir de dépenses catastrophiques.
L’état des lieux du financement de la santé est décrit et analysé en termes de volumes financiers, de système et de performance du système afin de compléter la base de connaissance pour orienter l’élaboration de la SNFS-CSU.
Il est le résultat du travail d’un pool d’acteurs multisectoriels avec l’appui technique et financier de l’OMS à travers le Programme de Partenariat UE-OMS ; ce travail a ensuite fait l’objet d’un atelier de validation technique au niveau du CNPPS élargi au mois de mars 2015.
La démarche s’est basée sur l’outil d’analyse institutionnelle et organisationnelle et d’évaluation de la performance du financement de la santé appelé OASIS. Cette méthode guide et structure une analyse du cadre institutionnel et organisationnel du financement de la santé pour en identifier les forces et surtout les faiblesses et établir un diagnostic de performance.
L’analyse a été effectuée sur la base d’entretiens avec les principaux acteurs du système de santé et d’une revue d’études/rapports et textes législatifs relatifs au financement de la santé et à la protection sociale au Togo. Le travail préparatoire de collecte des données visant à décrire l’architecture du système de financement de la santé a précédé l’atelier de rédaction au cours duquel les acteurs du système ont complété/validé l’analyse de la situation et ont proposé conjointement des pistes potentielles d’orientations stratégiques.
Le système de financement de la santé au Togo présente les caractéristiques suivantes :
Ressources financières allouées à la santé
Au Togo, la dépense totale de santé (DTS) est de CFA 138 milliards (en 2012), soit 8,6% du PIB ce qui correspond à une dépense annuelle par habitant de $41. On estime, pour couvrir l’accès à un paquet de services essentiels pour l’ensemble de la population, la dépense de santé à $86 par habitant par an (McIntyre & Meheus, 2014).
Les dépenses publiques de santé représentent 51% des DTS dont : 36% pour les PTF et 15% seulement pour l’Etat.
Les autres faits saillants de la mobilisation des ressources sont :
- un sous-financement des structures publiques de santé à travers des allocations budgétaires de l’Etat ; la part du budget de la santé a fortement régressée, passant de 9,1% à 5,3% du budget général entre 2002 et 2012, loin du seuil des 15% préconisés par les Chefs de Gouvernements dans la Déclaration d’Abuja en 2000.
- des préoccupations de pérennisation financière de l’INAM surtout en l’absence actuelle de tout appui extérieur, notamment de l’Etat pour le financement en particulier de l’investissement.
- des difficultés de recouvrement des cotisations au niveau des MUSA liées en grande partie au caractère volontaire de l’affiliation et à l’absence de mécanismes de prélèvement automatique.
Tout ceci indique que le budget de la santé doit augmenter de près de 50% pour aller vers la CSU, et ce financement doit venir des ressources budgétaires afin de réduire le paiement direct des ménages et la forte dépendance au financement des PTF.
Couverture en santé
Seulement 7,6% de la population togolaise est couverte par un système de protection sociale. Ceci indique que la majorité de la population ne fait partie d’aucun dispositif de protection du risque financier et continue de supporter les dépenses directes de santé à travers le paiement direct dont le niveau reste trop élevé (51 %).
Les conséquences sont bien visibles : 2,33% des ménages s’appauvrissent par des paiements directs des soins et 0,18% sont exposés aux dépenses catastrophiques de santé. On comprend donc qu’il y a lieu d’alléger le poids des dépenses supportées par les ménages, notamment quant au paiement direct.
Des réflexions sur l’assurance maladie universelle ont permis de proposer une architecture de référence pour l’AMU au Togo. Les principes directeurs sur lesquels l’option stratégique proposée est fondée sont : l’universalité, la solidarité nationale, la responsabilité générale de l’Etat. Cette option stratégique s’inscrit dans la continuité des actions entreprises par le Gouvernement notamment la mise en place du régime obligatoire d’assurance maladie pour les agents publics et assimilés, géré par l’INAM. Elle s’inspire de l’analyse de situation et de l’enseignement tiré de multiples expériences internationales. L’architecture proposée met l’accent sur un seul fonds national et une structure nationale unique de gestion de la couverture maladie qui organise les trois fonctions principales du financement de la santé avec une délégation des fonctions de proximité à d’autres organes.
Mutualisation des ressources
Aujourd’hui de nombreux mécanismes de financement et de couverture du risque maladie tendent à améliorer l’accès aux soins, mais l’analyse montre leur forte fragmentation. En effet, différents dispositifs de « gratuité » cohabitent, chacun orienté vers une catégorie donnée de la population, sans aucune articulation. Cette fragmentation limite la solidarité avec des faiblesses évidentes de redistribution des ressources entre mécanismes et entre les populations cibles. Au niveau des mécanismes assurantiels, on note un partage de risque à très faible échelle du fait de leur faible pénétration et/ou de la faible capacité contributive des adhérents.
Il s’avère donc indispensable de rechercher le pool maximal, ceci dans le cadre de la lutte contre la fragmentation à travers un mécanisme de coordination de l’ensemble des mécanismes de prise en charge et/ou un fonds intégré d’assurance maladie.
Degré d’équité dans le financement de la santé
La question de l’équité se pose dans l’allocation des ressources publiques dont le montant est déterminé en partie de manière “historique” (c.à.d. selon le montant de l’année précédente) et non liée aux besoins, ni sur des critères objectifs, ce qui aggrave les disparités régionales.
- 36,5% des dépenses publiques de santé sont captées par les fonctions administratives, un record en Afrique de l’Ouest ;
- les subventions aux hôpitaux ne tiennent pas compte explicitement ni de l’activité, ni de la performance (efficience, qualité) ;
Le mode actuel de gestion ne favorise pas toujours la redevabilité et la transparence.
Il apparait donc nécessaire d’introduire un achat stratégique à travers une révision des mécanismes de définition des budgets aux régions et districts sanitaires ainsi qu’aux institutions publiques pour tenir compte de critères objectifs, comme la taille de la population cible, le taux de pauvreté, les infrastructures, le niveau d’activités, etc.
Efficacité et efficience des systèmes
L’efficacité des divers mécanismes de financement mis en œuvre au Togo est sujette à des interrogations. Le mode de fonctionnement des programmes de gratuité (fragmentation, difficultés de ciblage, insuffisance des ressources) ne permet pas de répondre à l’ensemble des besoins des populations cibles. La fragmentation pose aussi la question de l’efficacité administrative et de l’efficience dans l’utilisation des ressources (duplication des fonctions administratives, frais administratifs afférents élevés, faiblesse du suivi et du contrôle de gestion).
Il est maintenant reconnu que l’efficacité de ces mécanismes de prise en charge doit être évaluée et améliorée, notamment la subvention de la césarienne, stratégie phare de la politique de réduction de la mortalité maternelle actuellement pilotée au sein du MS. Quant à la « gratuité » de la prise en charge du paludisme, autre sujet d’actualité, sa mise en œuvre pose d’autant plus la question du système de financement qu’elle requière plus de clarifications dans sa gestion.
Achat des prestations
L’achat de services de santé se fait par trois grands acteurs :
- les ménages qui sont les premiers acheteurs de soins au Togo à travers les paiements directs et les tickets modérateurs ;
- le MS qui exerce sa fonction d’achat à travers les règles d’allocation budgétaire en vigueur et;
- l’INAM qui joue le rôle d’acheteur de soins auprès des prestataires publics ou privés par un ensemble de procédures et/ou mécanismes de paiement, de contractualisation et de contrôle médical.
La pratique du paiement à l’acte, relevée comme principale mécanisme de paiement des prestations, peut inciter à des abus en matière de consommation et dans la prescription des soins (aléa moral lié à l’assurance santé).
Enfin, s’agissant de la qualité des prestations, différentes études récentes mettent surtout en avant en plus des barrières financières à l’utilisation des formations sanitaires, la qualité insuffisante des soins et l’insatisfaction des utilisateurs de nombreuses structures de soins, tant du secteur public que privé.
Partant des considérations ci-dessus, il est envisagé d’améliorer surtout l’efficience dans l’utilisation des ressources à travers :- l’instauration des mécanismes de paiement mixtes,
- une rémunération sur base d’une meilleure connaissance des coûts réels,
- l’incitation à la performance des prestataires de soins.
Conclusion et perspectives
Il ressort globalement de cet état des lieux qu’en matière de protection de la santé au Togo, il existe une diversité de mécanismes de financement et dispositifs de couverture du risque maladie, témoignant ainsi d’un engagement de l’Etat à offrir une couverture sanitaire aux populations togolaises et à réduire le poids financier de la maladie. Cependant, il a été relevé que les volumes financiers sont trop peu élevés, que les agencements du financement sont multiples sans véritable cohérence systémique, et que la performance en termes d‘efficacité, d’équité et d’efficience n’est pas optimale.
Les défis liés à l’équité, à l’extension de la couverture et à la pérennité du système de financement de la santé demandent des réponses et l’élaboration d’un cadre cohérent pour la réforme du système de financement permettant d’une part, de progresser vers la couverture universelle et, d’autre part, d’améliorer la performance du système de santé togolais.
Afin d’aboutir dans les meilleures conditions à cette stratégie de financement de la santé vers la couverture universelle, les sujets ci-après ont été proposés pour des travaux d’approfondissement.